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26 avril 2005

B — À bout

  Cette fois-ci, je suis à bout, je n'en peux plus... Laissons-nous de nouveau entraîner par les règles de l'écriture, puisqu'il y a règle en tout, règne devant l'éternel, un vaisseau dans la nuit, je n'en peux plus : tout m'est signe, mais signe indéchiffrable et inutile. Les libérés, les libérés de l'asservissement soi-disant. Le calumet, la bataille. La grammaire de Champollion, les trésors, les incunables. Les cris, les cris des soldats, cette trompette monotone me revient. L'autre minable avec ses inspirations, l"éclatement du coeur, pieux mensonge, oui... Hypertrophie du moi. Y'a des gens comme ça qui croient que leur vie est intéressante. Moi ma vie est pleine de morts, il y en a trop, à quoi bon tous ces morts ? Est-ce ma faute ? Et qu'y puis-je ? Je sens les rumeurs, les tremblements. Lacunes, manques, comblements avortés... Nous n'avons plus de parole magique... Tiens, ce n'est plus la corne monotone, ce sont les freins du train qui respire, qui n'en peut plus... Tout m'interpelle (pardon), mais comment répondre à tout ? Nous n'avons plus de parole magique et je n'en peux plus. Et comment les paroles magiques que par hasard nous rencontrons encore, comment nous arrivons à les ignorer, à passer à coté, à n'en rien comprendre... Comment dans les vitrines des musées elles sont figées, suicidées...

  Tout m'est magie, le cercle de la lune et le cercle du réverbère. Le rocher, la muraille, le phallus, la montagne, le masque hurlant, les dents en avant, le crocodile qui est un lion et qui est une porte. La tortue : c'est un oiseau ! sur lequel nous sommes posées. Phallus, boulet, hampe, drapeau, chapeau, rire aussi et cathédrales, et les travées, les piliers qui montent au ciel... au ciel ; les vitraux, le sas, l'aération, lumière, caresse. Dans tous les délires modernes, les plus savants, les plus sophistiqués, les plus destructurés, dans leurs lieux les plus tristes je lis comme à livre ouvert. Bacchus, Dyonysos, Eros, Priape, appétit enfoui ô au plus profond de nos chairs, cette salope m'a vidé les couilles, demain, demain, promis, je ne parle plus, mais je voulais dire encore ceci : bienvenue, bienvenue dans un monde qui mue, bienvenue chez Rhône-Poulenc.

  En quelle langue faudra-t-il que je parle, tas d'abrutis, pour que vous compreniez. Parlé-je une langue différente de la vôtre.
  Marrant jusqu'à quel point les gens peuvent être imbus de leur moi. Exemple ce type rencontré l'autre jour, une connaissance, il se retrouve un peu sous les feux de la rampe, alors ça enfle ça enfle, il parle de retraite, d'inspiration, n'importe quoi, exemple moi bien sûr mais pour moi trop de morts dans ma vie, je ne joue plus, ce n'est pas drôle, le jeu n'est pas drôle.

  Dernières nouvelles du front. Marrant comme aujourd'hui je me suis retrouvé dans des endroits immondes, pourtant j'ai un certain train de vie. Les chiottes les pires de la terre, la puanteur, pour me punir, pour me faire pardonner. Le garçon de café le plus antipathique de la création, hargneux, con et méprisant, comme on n'en peut trouver qu' à Paris... Tous les problèmes deviennent mondiaux, et je n'en peux plus. Plus d'individus ! Plus de solitude aussi, c'est à dire : solitude pour tout le monde. Plus de souffrance aussi, c'est à dire... Plus de masque aussi, plus de passage, c'est à dire : passage pour tout le monde, la mort, la mort partout présente, et nous détournons les yeux.
Dans tous les objets de la vie moderne, je déchiffre les anciennes puissances magiques, les premiers mots prononcés, les simples évidences et les drames anciens et les révélations. L'oeil de la télévision maintenant nous hypnotise ; les images et les mensonges maintenant s'enchevêtrent, se confirment, s'annulent. L'hypnose, l'hypnose immémoriale de la mort. Alors l'écran qui te fait face est hypnose, hypnose et mensonge : l'oeil bien sûr, l'oeil qui est dans notre tombe. Nous sommes hypnotisés par ce que nous voyons, et non par nous, qui ne nous voyons pas... Le tissu de la réalité est bien solide. Que verrions-nous sans hypnose, que ne sommes-nous pas prêts à "voir" ?

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